Teleperformance, le SP2C, les call-centers. Place aux jeunes, à la vérité ?

Teleperformance est massacré en bourse et tente de réchauffer la soupe, sans convaincre, après le départ de Bhupender Singh. Le SP2C, le Syndicat des Prestataires de Centres de Contacts, prépare une nouvelle réunion, le 10 septembre. Objet du pince fesses: un baromètre, un nouveau baromètre. Peut-on redonner de l’espoir dans une entreprise, un métier en pleine transformation, avec de vieilles recettes ? 

Hier, 29 aout, le marché boursier a mal réagi à la énième annonce de Teleperformance, dont les résultats financiers et chiffres sont plutôt bons, mais qui a inquiété les analystes à cause d’un nouveau changement au board. Lire ici.

Les robots et l’IA conversationnelle vont-ils remplacer les agents de call-center..
.. les serveurs, les infirmières, les agents de comptoir, les avocats, les consultants ? Voilà l’une des questions qui sous-tend le tumulte sur l’action TEP et anime de nombreuses conversations, dans les cafés, les taxis, les musées. Ce qui est en jeu dépasse le seul cas du numéro un mondial de la relation et de l’expérience client externalisée et concerne toute une industrie, celle du BPO ( le business process outsourcing). Celle-ci emploie des millions de personnes dans le monde, dont plus de 500 000 chez Teleperformance. En Colombie et en Tunisie, l’entreprise est le premier employeur privé du pays. Konecta est le second en Colombie. A Bogota, Medellin, 45 000 salariés, chez TP et plus de 30 000 chez Konecta..

Le CRC de la Sanef, ouvert récemment à Rouen, pour renseigner sur le péage en flux libre sur la  A13. 

Dans de nombreuses agglomérations en France, les call-centers de Majorel, Armatis, Webhelp, Konecta etc sont le premier ou second employeur privé. A Evreux, Dreux, les directeurs des centres d’Outsourcia, d’Intelcia dialoguent chaque semaine avec Pole Emploi, le préfet. Au Havre, Majorel (Ceacom) et son équipe de direction, emmenée par Guillaume Milert, ont redressé un “call” qui a été un temps en mauvaise posture et emploie désormais environ 700 personnes. Lire ici.

Il y a donc un enjeu pour ces salariés, les villes et les pays où ils sont installés et plus globalement pour la santé mentale des gens, des citoyens, des consommateurs, qui ne comprennent plus vraiment ce qui se passe: lorsqu’ils tentent de joindre Airbnb pour résoudre un problème de caution non restituée, l’ANTS ( l’Agence Nationale des Titres Sécurisés) pour savoir où en est leur demande de permis ou de carte grise, les assureur Alan ou Acheel, ce sont des robots et des bots qui sont proposés et font croire qu’ils vont répondre et traiter leur dossier, demande, réclamation.

Et bien sûr, ça ne se passe pas tout à fait comme prévu : le bot répond à côté, des choses sans pertinence et s’épuise vite. Personne n’est heureux, correctement servi. Mais les valorisations des producteurs et éditeurs de ces solutions et logiciels tutoient les sommets…en prévision de leur rentabilité. Cherchez l’erreur.

Cette mutation n’est pas forcément synonyme d’échec: quelques rares entreprises* sont parvenues à automatiser et digitaliser leurs processus, à trouver le bon mix humain/ Technologie, voire à accompagner la mutation mais dans la majorité des cas,c’est du niveau Oui-Oui et l’IA conversationnelle.

Olivier le Gallo, DG de Magnolia, spécialiste de l’assurance emprunteur, a équipé ses call-centers d’un outil français de QM, Callity. 

* Magnolia, Orange, CMI, Alan qui a récemment décidé d’ouvrir le canal téléphonique dans son service client, avec l’aide d’INO, de Concentrix et de Onepilot. L’exemple de la Sanef qui a formé récemment, et en prenant le temps, d’anciens péagistes au métier de téléconseiller est éloquent et heureux.

Mon triste coeur bave à la poupe..
Si le marché dégrade l’action de l’entreprise fondée en 1978 par un français, Daniel Julien, c’est, je crois, notamment parce que lui et son équipe ne savent plus, si tant est qu’ils l’aient jamais su, expliquer ce qu’ils font. Ou que ses directeurs du marketing et de la communication emploient d’anciennes recettes, sans saveur. Or, c’est devenu essentiel. En premier lieu parce que les métiers pratiqués sont cachés, peu visibles et peu sexy, de prime abord. Et qu’ils sont encore associés à des images d’Epinal : le télémarketing, les usines du 3ème millénaire, comme l’avait écrit Libération.

Pour bien connaître l’entreprise et avoir visité ses “plateaux”, les métiers de l’entreprise et de quelques-uns de ses concurrents sont nombreux, absolument nécessaires et remarquablement exécutés, tel celui de la modération, du Trust and Safety. Il faut modérer ce qui est dit, raconté sur les réseaux sociaux, supprimer parfois des vidéos, des commentaires. Le besoin mondial en services de modération est colossal. Et c’est une bonne chose que de contraindre les acteurs et les plateformes, les PDG de ceux-ci à enclencher la production de ces services. A cet égard, l’arrestation récente de Pavel Dourov, le PDG de Telegram est un signe qui va dans le bon sens.

Pendant longtemps, Teleperformance a songé qu’il suffisait de rendre, chaque trimestre, des comptes positifs et conformes aux prévisions, pour avoir le droit de jouer en deuxième semaine. Un budget conséquent donné à Image 7, la fameuse agence de relations publiques pouvait suffire. On parvenait, dans l’ancien monde, grâce à de tels recours et pratiques, à obtenir quelques publications dans les journaux sérieux, à empêcher parfois des articles plus fouillés. L’affaire était jouée.

Mais tout a changé
Les acteurs de la technologie, de l’IA, leurs promoteurs ont compris qu’ils pouvaient, à peu de frais, en racontant quelques sornettes, faire croire qu’ils allaient tout remplacer. Promettre un avenir radieux, avec encore plus de machines et de data-Centers, valoriser ainsi leurs actions et leurs start-up. La majeure partie des journalistes français écrivent, dans ce domaine, leurs articles depuis leur bureau, sans aller voir ou renifler. Soit parce qu’ils sont feignants, n’ont pas envie d’être contredits par ce qu’ils pourraient découvrir, soit parce que dans les bureaux avec moquette, on a décidé là également qu’aller sur le terrain coutait trop cher. L’IA et Chat GPT ou Mistral AI feraient bien le job.

Si vous estimez que je suis trop cash, lisez les derniers articles publiés dans le Monde et les Echos sur l’industrie des centres d’appels. Hier, le 1er quotidien économique a écrit Marjorel dans tout l’article, au lieu de Majorel. J’ai signalé l’erreur au rédacteur de l’article hier, Matthieu Quiret, via Linkedin, aucun changement. Au printemps, Le Monde a écrit  la même semaine trois articles sur le secteur du BPO. Deux étaient entachés de grosses erreurs. Celui sur les grèves dans les call-centers en Grèce ( et le nombre de salariés qui y aurait participé) et celui sur l’Intelligence artificielle et l’impact de celle-ci sur Teleperformance. Signalée, l’erreur n’a pas été corrigée, là non plus. A force de raconter des choses horribles, elles finissent par arriver, entendait-on dans Drôle de drame.

Pas besoin de vous prendre plus de temps, vous avez compris. C’est le même mécanisme qui est à l’oeuvre aux caisses des supermarchés, aux guichets de la SNCF, à l’accueil téléphonique chez Oralia et les syndics de copropriétés.. Automatiser à tout crin, sans mesure. Ne pas écouter la voix du client, qui proteste souvent. Consacrer plus d’argent à enterrer les avis clients qui détonnent qu’à transformer.

Il est temps de laisser la place aux jeunes, de revoir les investissements, de se mettre au travail ? 
Un bon exemple en est donné, dans cette profession que je connais, par les productions du SP2C. Voilà ce qu’on trouve sur le site de ce syndicat, le 30 aout : un écran sur la gouvernance, qui sent plutôt la naphtaline, un édito qui date de 2022. Des mentions légales qui ne fonctionnent pas. Avec une telle production, pour sur, on est pris au sérieux.

Le 10 septembre, le SP2C réunit des membres et des invités, rendra son 8ème baromètre consécutif produit par E/Y. L’argent  va donc au SP2C,  là comme dans de trop nombreuses instances, entreprises (?) probablement pas là où il faudrait désormais. Si j’étais un agent salarié de call-center, un télévendeur, un superviseur de plateau, je comprendrais donc qu’on est plutôt mal barrés pour être défendus, compris, représentés.

Mais il n’y a pas et jamais eu de fatalité. A presque quatre-vingts ans, Neil Young produit encore des albums, a protesté contre Spotify, la plateforme qu’il avait accusée de répandre de fausses informations sur les vaccins durant la COVID. En mars, le loner a annoncé son retour sur Spotify, non sans protester sur la qualité du son. Et dans quelques jours, David Gilmour sort un nouvel album. Qu’on pourra même écouter en avant-première à la Fnac, au forum des Halles.

L’expérience client mémorable, celle qu’on nous promet, que nous espérons, l’expérience collaborateur, patient, objets de nombreux débats, ont besoin d’hommes et de femmes. Et bien sûr des machines, qu’ils sauront choisir. Ceux qui la produisent et y contribuent pour de vrai sont souvent sur le floor, au téléphone ou en face des gens, au guichet, en studios, là où ça se passe. Donnez leur les clés et un peu d’argent, laissez les improviser avec leur instrument, leur voix, leur guitare ou piano. Ils ont le talent et l’envie.

Manuel Jacquinet.

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