Voitures de luxe et rétro : Laurent Labergerie vend sur mesure
Après 32 ans consacrés à créer, animer, diriger ou redresser des concessions, Laurent Labergerie a imaginé, avec Auto Sport-Sud Ouest, une nouvelle façon de vendre de belles autos. Parcours client, qualification des leads et des prospects, cet artisan combine plaisir d’accueillir et suivi personnalisé. L’industrialisation de cette méthode made in Sud-Ouest est-elle possible ? Entretien avec son concepteur, Laurent Labergerie, marié, deux filles. Qui a suivi dans sa jeunesse une formation dans l’hôtellerie, a travaillé quelques années dans l’armée, puis dans le monde de la nuit avant de bifurquer vers la distribution automobile. Une partie du savoir-faire, très spécifique, d’Auto Sport Sud-Ouest, n’est pas détaillée ici, tant quelques détails relèvent du secret industriel.
Après trente-deux ans consacrés au commerce d’automobiles en concessions, Laurent Labergerie a “inventé” une nouvelle façon de pratiquer son métier. Une maison de maître aménagée comme un musée convivial, 500 000 euros de stock, un savoir-faire éprouvé à l’achat et le Bon Coin comme 1er canal d’interactions, voilà les outils de travail d’un fou d’autos qui parvient à vendre chaque année une centaine de véhicules. Seul.
En 1989, vous rejoignez Auto-Sport à Limoges, il y a 32 ans…
Laurent Labergerie : Je suis passionné d’automobiles avant d’être un « businessman » ; c’est mon amour des véhicules qui qui m’a poussé à entrer dans ce milieu. J’ai commencé à travailler chez Volkswagen, où j’ai été recruté par monsieur Fraissex, un parent éloigné. J’ai poursuivi ma carrière et rencontré à Limoges Claude Chatain, une personnalité locale du monde de l’automobile qui est devenue mon beau-père, sans que rien ne soit prévu, naturellement. Je suis un autodidacte dans ce milieu mais j’y ai rapidement occupé des postes importants. A 35 ans, j’étais à la tête de ma propre entreprise et j’ai pu découvrir les contraintes qui pouvaient exister lorsqu’on travaille avec un constructeur. J’ai donc cherché un nouveau modèle économique, qui me correspondrait plus. Après avoir été concessionnaire, j’ai créé une affaire de revente de véhicules plus traditionnels, un peu comme le fait Elite Auto aujourd’hui. C’était encore nouveau à l’époque mais cela a assez bien fonctionné. Dans les années 2010, lorsque je comprends que ce marché commence également à être saturé par des géants de l’automobile, je me réoriente vers des modèles de collection, des voitures de sport. C’est ma passion, mon intime connaissance de ce milieu qui m’ont amené à créer cette Méthode (sourires) : j’accorde plus de temps à chaque client. Et je gagne aussi bien ma vie en travaillant ainsi qu’à l’époque où j’avais soixante employés !
Et c’est un modèle qui vous correspond, qui vous laisse plus de temps libre également ?
LL : C’est évident, je m’y épanouis beaucoup plus. Aujourd’hui, le business de l’automobile est structuré autour de trois types de revendeurs. Les gros paquebots comme Elite ou Aramis Auto qui vendent énormément par internet, c’est très bien fait et ils connaissent leur métier. Loin derrière, les concessionnaires automobiles traditionnels qui ont encore leur mot à dire et puis enfin, il y a nous, je veux dire des gens comme moi. Je revends des véhicules atypiques lors de rendez-vous personnalisés.
Vous êtes nombreux à travailler ainsi ? Concrètement, quelle est la valeur ajoutée de ce type d’expérience de vente ?
LL : On commence à être plus nombreux à proposer ce type de nouvelle expérience d’achat et je suis convaincu qu’à terme, c’est l’avenir. Non, c’est le présent d’ailleurs ! Le lieu où je rencontre mes prospects est essentiel : je les accueille dans un domaine magnifique à Tarbes avec piscine, sauna, ainsi qu’un lieu d’exposition de mes modèles et des bureaux très vintage. Mais ceux qui viennent ici ont déjà été « qualifiés » rencontrés, par moi-même au cours d’une conversation téléphonique. Je dois assez vite comprendre la demande de mon prospect et écarter ceux que je pourrais décevoir. La preuve de la réussite de ce modèle est notamment le taux de fidélité important de mes clients. Nombre d’entre eux apprécient de changer fréquemment de modèle et ils reviennent souvent vers moi. Je suis convaincu qu’à terme, on se dirigera encore plus vers ce type de revendeurs. Près de chez moi, il y a un jeune qui possède un showroom et travaille « à l’ancienne », comme j’ai pu le faire il y a une dizaine d’années. Il est parasité le week-end par des gens qui viennent simplement se rincer l’œil, lui demandent du temps à un point que c’est devenu ingérable.
Votre modèle pourrait-il être industrialisé ?
LL : Non, je pense que cela ne fonctionnerait pas. Il nécessite une touche personnelle trop importante pour être dupliquée.
Tout se joue donc à l’achat de véhicules ?
LL : Oui, c’est le nerf de la guerre. Il faut également disposer d’un réseau : si vous achetez bien, vous allez bien vendre. Il est primordial de bien connaître le marché, d’être passionné pour ne pas acheter n’importe quoi. Hormis lorsqu’un client recherche un modèle particulier, je ne me positionne que sur des constructeurs et époques que je connais bien. Je me restreins à une fourchette d’achat se situant entre 15 000 à 70 000 euros, de façon à pouvoir dégager une marge intéressante tout en demeurant dans la trésorerie que je me suis fixée et que je mobilise. Je ne veux pas solliciter des banques, ce qui rajouterait des frais, j’essaye d’agir en bon gestionnaire. Je veille à faire de bons achats et à mon taux de rotation du stock.
Sur des achats importants comme ceux que réalisent vos clients, comment rassurer ?
LL : Dès l’achat, je procède à un checking rigoureux : l’historique de la voiture, son carnet d’entretien et ses factures, sont indispensables. Parfois, je fais ensuite intervenir un expert pour valoriser la voiture.
Quel est votre propre parcours d’achat vis-à-vis de vos partenaires vendeurs et celui proposé au client ?
LL : Je ne travaille qu’avec un support : j’ai un compte professionnel sur Le Bon Coin car toute personne recherchant un véhicule passe forcément par là. Un lien les dirige alors vers mon site web, auquel je consacre beaucoup de temps: chaque véhicule y est précisément présenté par vidéo, avec des photos, l’historique du véhicule et une description que je personnalise. Lorsqu’une personne découvre cette annonce et m’appelle, je peux lui parler de la voiture comme peu de vendeurs savent le faire. J’ai plus de temps qu’un vendeur en concession, je suis passionné, ce que j’appelle le one-to-one fait souvent la différence. La plupart de mes clients me le disent a posteriori « Ce qui fait la différence, c’est le contact, le discours ». De plus, les clients que je reçois sont déjà prêts à acheter, car il s’agit pour eux d’achats passion. C’est la recherche de véhicules qui me prend le plus de temps mais j’ai la chance d’avoir un gros réseau, ce qui me permet d’être appelé directement par des professionnels qui rentrent des autos lors d’une vente. Ferrari, Porsche, parfois une Lamborghini.
Pour de nombreux prospects, je propose ensuite un week-end découverte. J’ai eu cette idée car la région est magnifique, l’endroit s’y prête et cela permet d’engager l’acte d’achat. L’agenda est plein toute la saison, mais avec le Covid, nous n’avons pas encore pu démarrer cette activité ! On accueille nos clients, à la gare, à l’aéroport ou directement au domaine et on leur prête un véhicule pour le week-end : une petite Porsche Boxster car c’est simple d’utilisation et assez sécurisé. Une suite leur est dédiée avec accès à la piscine, au sauna et à la salle de sport. L’invité est libre de faire ce qu’il veut pendant le week-end, on lui offre le petit-déjeuner, de bons conseils pour le déjeuner. Tout est organisé selon ses desiderata.
Je suis persuadé que la base du commerce est l’apport de services combiné à une réelle proximité avec le client. Ce qui va s’éteindre selon moi, c’est le modèle de vente de la concession classique. La preuve en est le succès des revendeurs ultra-numériques, et c’est logique : l’expérience client en concession est totalement désastreuse. Les gens tombent sur des vendeurs qui connaissent moins bien la voiture qu’eux. Il y a d’ailleurs un parallèle à établir avec le mode de financement des véhicules : aujourd’hui tout le monde loue sa voiture, les achats cash n’existent plus ou rarement.
Avez-vous prévu de vous développer, d’apporter des changements dans votre manière de travailler dans un proche futur ?
LL : Je me remets en question constamment : le marché et ses fluctuations orientent mes actes. Pas de timing défini, tout change en permanence. Avec les nouvelles ZFE (Zone à Faible Émission) comme Paris par exemple, ce qui est en vogue, ce sont les voitures de plus de trente ans et qui ont une carte grise « collection », car elles peuvent continuer à circuler. Du jour au lendemain, une Porsche de 25 ans se vend moins bien que celle qui a cinq ans de plus.
C’est un autre exemple de personnalisation, est-ce selon vous la manière de travailler de demain ?
LL : J’en suis persuadé. La base du commerce, c’est l’apport de services et d’une réelle proximité au client, ce vers quoi l’on se dirige. Ce qui s’éteint en revanche, c’est le modèle de vente de la concession classique. La preuve en est le succès d’Elite Auto et autres revendeurs ultra-numériques, c’est logique : l’expérience client en concession est totalement désastreuse. Les gens tombent sur des vendeurs qui connaissent moins bien la voiture qu’eux. Les ventes numériques, plus simples, et les échanges plus intimistes, rassurants, agréables et personnalisés, sont selon moi l’avenir du business de l’automobile. Il y a d’ailleurs un parallèle à établir avec le mode de financement des véhicules : aujourd’hui tout le monde loue sa voiture, les achats cash n’existent plus.
Quid de cette année particulière ?
LL : Pendant la pandémie, j’ai livré beaucoup de voitures à domicile, la perte a été infime sur l’année, j’ai été très peu impacté grâce je crois, à la manière dont je travaille.
Le conseil du pro, si je désire acquérir une belle voiture ?
LL : Je suis très Porsche, elles représentent 80% de mes achats. A titre personnel, c’est la Porsche 911, mais j’aime également beaucoup les italiennes.
Est-ce qu’il vous arrive de rester bloqué avec des véhicules ?
LL : Oui, parfois on ne sait pas pourquoi mais une voiture ne part pas, n’intéresse pas.
Auto-Sport, en quelques chiffres ?
LL : Je travaille avec 500 000 euros de voitures en stock et j’en vends une centaine par an, ce qui est assez important pour un mec tout seul ! Je réalise trois millions d’euros de chiffre d’affaires et je sous traite aussi beaucoup : pour l’expertise, les contrôles, la préparation des voitures…
Propos recueilli par Numa Beltran
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