Maison Gosselin, épicerie fine d’antan depuis 1889
Maison Gosselin certifie le « bon goût » depuis 5 générations comme épicier, caviste, torréfacteur, fruits & primeurs, crémier fromager et droguiste…en Normandie. Dans la rue principale du port de pêche de St Vaast La Hougue, l’épicerie Gosselin est devenue une institution à la renommée presque mondiale !
Dans la Manche, ce nom met l’eau à la bouche. Il fait venir de loin – et revenir souvent – depuis fort longtemps pour faire ses emplettes ! La Maison Gosselin – avec sa façade rouge, ses lettres dorées en typographie commerciale du XIXè, est une des plus vieilles épiceries françaises – avec Arosteguy aux Pays Basques, et dans un registre Grande Epicerie de Paris en Province ! Sans doute une référence française aujourd’hui à nos papilles. Les cadres des grandes enseignes viennent espionner en semaine « la recette du bonheur de cette maison ». Depuis cinq générations, la famille régale les Normands, les Parisiens de passage à St Vaast… et les Anglais qui traversent la Manche (en yacht, excusez du peu) pour goûter la France qu’aimait Terence Conran (fondateur de Conran Shop) avec des produits d’épicerie fine – le chocolat Bonnat, les sardines marinées, les madeleines Jeannette, les épices du monde, les Calvados Hérouts, et les jouets anciens, soigneusement sélectionnés, estampillés et revendiqués ! Car nombreux sont les produits marqués Gosselin – presque tous les épices et condiments – ou les sélections pour la maison. Histoire d’épicerie de toujours où tout commence en 1889, quand Clovis lève le rideau pour la première fois, soit l’arrière-grand-père de Françoise qui est aux commandes aujourd’hui avec son mari et ses enfants de la destinée de Gosselin pour ce début de siècle ! Dans un Village – classé village préféré des français en 2019 grâce à Stéphane Bern – en pleine effervescence industrielle au XIXè, l’épicerie Gosselin crée un « comptoir de produits frais, de qualité et de goût ». Et de goût surtout : les épiciers se tiendront toujours à cette ligne quelles que soient les époques. Depuis les autres épiceries ont fermé au fil du temps – il y en avait 16 au XIXè – et l’affaire familiale a traversé les évolutions du commerce, su rebondir à l’ouverture des supermarchés (en périphérie de ville l’Intermarché a déjà doublé de taille sans faire d’ombre à Gosselin), et passer les tempêtes (incendie en 1981).
Gosselin, c’est surtout une épicerie d’antan ou de toujours. Elle a grossi à chaque génération et où chacun a su apporter sa dimension commerciale, son univers par de jolies additions de nouvelles offres – les alcools et la droguerie sont les dernières- sur la base de l’épicerie. Et chacun a son poste dans le magasin [il y 20 employés et 5 membres de la famille] et son hyper expertise de métier de bouche : Paul (5eme génération) le fils est à la torréfaction (installé par son grand-père en achetant une machine) et aux spiritueux, Lucie, sa soeur, est au rayon BOF (Beurre, Oeufs et surtout Fromages !), les épices (et la droguerie) sont les rayons de Françoise, la maman. Quant au papa, la pièce rapportée – devenue valeur ajoutée d’épicier – il s’occupe de la cave à vin ! Et les grands parents, Renée et Maurice, toujours vivants, veillent au grain et aux bonheurs des clients ! Ils ont aussi passé leur goût des belles choses (je vous le raconte plus loin !). Quand on est passionné de cuisine, produits de terroirs et gourmet, l’adresse de cette épicerie – presque surannée – fait partie de votre carnet d’adresse. Elle est restée fidèle à elle-même et ne connaît pas le CRM, si peu les réseaux sociaux et l’E-commerce.
Double Interview de Françoise et Paul Besselièvre, descendant Gosselin et épiciers actuels (5eme génération), et retour d’expériences client !
Françoise, première question : y-a-t-il de la moutarde en rayons ou connaissons-nous pénurie durable ?
Bien sûr ! Nous avons un rayon complet de produits maison, où la moutarde traditionnelle, celle aux algues, et celle à l’estragon sont nos meilleurs vendeurs ! Avec cette rumeur de pénurie – ne vous inquiétez pas j’ai du stock – nous sommes obligés de rationner à 4 pots par ticket de caisse.
Françoise, à quel âge avez-vous rejoint l’épicerie et quand en avez-vous pris les commandes ?
Je suis presque née dans l’épicerie comme chacun de nous ici ! On apprend et on grandit sur le terrain chez Gosselin. Au départ, je travaillais dans les jupons de ma mère à tout faire. Car une affaire de famille, vous vivez avec, et votre conjoint doit entrer aussi en religion dans l’affaire de famille. Un jour, ma maman est tombée malade (simple grippe) à Pâques, et j’ai pris les rênes (c’était dans les années 1980) d’abord les vitrines que je traite à l’ancienne (avec un thème centrale chargé de produits, à l’heure où j’écris c’est la fête de la Mer), puis de l’animation commerciale et surtout d’échange avec les clients. Puis j’ai effectué un travail de fourmi pour rechercher des fournisseurs rayons par rayons !
Quelle est le savoir-faire de l’épicerie Gosselin depuis 140 ans, de votre famille depuis 5 générations ?
Acheter frais – mon père s’est spécialisé dans les fruits et primeurs, très bien sélectionner de bons fournisseurs et certifier nos produits par nos étiquettes produits « Maison Gosselin » -pour créer une épicerie rare, des vins fins, café moulu frais… -, et surtout faire découvrir à nos clients de nouveaux univers – la droguerie – , voilà notre marque Maison Gosselin (déposée depuis 1986). C’est surtout écouter le besoin de nos clients qui sont des connaisseurs et des gourmets, et les servir dans leurs demandes. Je note les remarques de tous, et la saison suivante, je construis l’offre avec les fournisseurs directement. A chaque étape, c’est le goût et le lien client qui joue dans nos choix maisons ! Nous sommes souvent comparés au Bon marché ! Nous avons trouvé la bonne dimension dans tous les domaines en restant sélectif de notre côté.
Quelles sont vos recettes maison, vos best-sellers de toujours et ceux du moment ?
D’abord dire bonjour dès l’entrée à la levée du rideau ! On s’est surtout adapté à chaque génération à notre clientèle et c’est une affaire de transmission de goût. Plus sérieusement, les sardines (que nous faisons vieillir après sélection), les condiments et les épices du bout du monde (Gosselin a un rayon qui vaut celui de Roellinger), les alcools, les Whisky et la cave pour les hommes, la droguerie décoration pour les femmes. Notre recette : un travail de famille où nous allons sur le terrain faire le choix des produits, des fournisseurs. On travaille avec de petits producteurs à qui nous achetons un fût pour les whiskies, rhums et les Calvas que nous faisons embouteiller ensuite, les épices des meilleurs producteurs – pour faire nos recettes et décoctions maison pour salade ou poissons.), et ainsi de suite pour le thé, le café….
Racontez-nous l’histoire des « étiquettes Gosselin » qui sont la marque Gosselin et votre rôle de sélectionneur ?
L’étiquette : « C’est certifié, Gosselin a goûté pour vous » et… c’est le bon goût maison, et l’histoire de l’épicerie. Car les étiquettes, c’est notre sélection ! Notre rôle de sélectionneur nous a été demandé et les clients nous suivent. Les étiquettes, c’est aussi l’ambiance du magasin – le rayon épices et condiments est 100% Gosselin -, nos valeurs et une forme de tradition. L’étiquette raconte le goût, le lieu, l’ambiance. Et ce n’est pas du local, c’est du « local de loin » : nos amandes, nos épices ne viennent pas de Normandie. En revanche, ce sont les meilleurs. J’ai créé des sacs de vracs en papier Kraft entièrement recyclables. Je fais particulièrement attention aux dénominations des produits.
[Paul] Vous avez certainement vu qu’il y a des oeuvres d’art partout dans le magasin ! Notre signalétique, ce sont les oeuvres d’art et les publicités émaillées. Notre passion pour l’art, nous la partageons avec nos clients. C’est l’âme du magasin.
Comment mesurez-vous la satisfaction client ?
Tout simplement par un sourire de client qui dit tout ! Ensuite faire déguster. Et reconnaître les clients qui reviennent pour parler et ceux de toujours ! Je connais tout le monde, même si je n’ai pas toujours mémorisé les noms des clients. Le conseil et l’écoute du client connaisseur qui nous donne une adresse… sont les précieux et les vrais baromètres de l’expérience. La clientèle a changé en 2000 pour devenir de vrais connaisseurs et nous sommes doucement montés en gamme. Et non, je n’ai pas leur email, ni leur mobile et encore moins de programme CRM. Je concentre notre activité sur les produits et la réputation, et la mémoire collective de la cuisine de territoire ! Pas celle des réseaux sociaux mais de bouche à oreille.
[Paul] Nous venons d’installer un programme fidélité lié aux dépenses sur votre carte bancaire. Votre carte bancaire est votre carte de fidélité du magasin grâce à un programme nouveau avec notre banque locale. Bref, faire simple et efficace en commerce. Je me rappelle ma grand-mère et ma mère qui notaient les coordonnées des clients grâce à l’adresse sur les chèques. Cela est bien fini. Nous faisons simple : des points liés à vos dépenses et un programme de fidélité en lien avec notre prestataire bancaire. Nous étions établissement test et cela marche très bien. En fait, le programme de fidélité, c’est nous ! Je veux surtout que les gens se sentent bien, comme à la maison, et pouvoir dire oui !
Quid de l’année COVID comme commerçant et de la suite pour vous ?
Au début nous avons pensé à une catastrophe, sans réel site internet pour vendre et puis nous nous y sommes mis pour faire 60 colis par semaine, ce qui était une première ! Notre site reste très accessoire à notre activité mais on a tenu le coup. Bref, tout se passe encore et toujours par notre unique magasin, la réputation de notre affaire – le vrai bouche à oreille.
[Paul] Au moment du COVID, nous avons dû installer un comptage de flux aussi… mais vous savez on intègre lentement la technologie.
Comment réagissez-vous à l’inflation qui touche à la fois consommateur et collaborateurs ?
On cherche toujours le meilleur rapport qualité prix, pour ensuite appliquer un prix juste pour le client. Si on sort de cette perception juste prix, on peut même arrêter un produit. Nos prix sont toujours bien placés dans l’épicerie et on les surveille de près. Les prix vont monter, c’est certain mais on ajuste l’offre… et il n’y a pas de pénurie de moutarde par exemple ! Gamine dans le magasin, je me rappelle avoir connu la France sous l’inflation. [Paul ajoute] Avec la montée des matières premières – qui a toujours existée – nous continuons de veiller à ce que coûte les produits à nos clients et s’ils sortent d’un seuil acceptable de prix, nous recherchons un nouveau produit alternatif aux meilleurs prix. Sur les produits du quotidien (cf Intermarché est en périphérie), nous sommes au même prix pour Saint-Vaastais et Saint Vaastaises. Chez nous pas de pile de stock, et pas de soldes non plus ! Juste les meilleurs produits aux meilleurs prix possibles.
[Françoise] Il faudra que les Français s’habituent à des pénuries ponctuelles. Mais je suis fourmi, j’ai des stocks et je veille au grain !
Comment préparez-vous la génération d’après ?
La transmission s’est toujours faite avec l’aide de la pièce rapportée, devenue valeur ajoutée à la famille et l’épicerie ! J’ai appris les « tendances » à l’écoute des clients. Surtout en apprenant sur le terrain et en prenant un univers pour le faire sien. Paul a pris le café et les spiritueux. Nos enfants prendront la suite avec leurs conjoints, c’est logique. On travaille, on mange et on dort « Maison Gosselin » en famille. Ce n’est pas une évidence immédiate pour chaque membre, mais cette transmission se construit. Et le petite dernière Naëlle s’approprie le magasin… La génération est déjà prête ! Je passe la main dans 4 ans !
La conclusion revient à Alexis Roux de Bezieux, Président de la Fédération des Epiciers de France et Fondateur des 3 épiceries Causses et auteur de « L’Arabe du coin », dans sa vision du métier. « Par un positionnement différenciant et qualitatif, le tout certainement organisé autour d’une tarification adaptée en fonction des produits, Gosselin a su traverser les années malgré l’arrivée massive de la grande distribution. Ils mettent à l’honneur le rôle du commerçant dans sa sélection et son conseil, à l’opposé du modèle du distributeur qui se contente de mettre en rayon. C’est d’autant plus méritoire que si les épiciers indépendants étaient plus de 140 000 dans les années 60, ils sont aujourd’hui environ 20 000. L’on note toutefois un retour de l’intérêt pour le métier au travers de profils professionnels en reconversion. A titre illustratif, ce sont près de 50 futurs épiciers qui ont été formés l’année dernière par la Fédération des Epiciers de France.
Par Alexis de Prévoisin
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