« Ne plus faire la queue à Monoprix m’enchante, » Alix Girod de l’Ain

Ne plus faire la queue à Monoprix enchante Alix Girod de l’Ain, la célèbre Dr AGA du magazine Elle. Qui en a assez également qu’on lui demande son avis sur toutes les expériences d’achat vécues, même les plus anodines. Recueillir la voix du client mérite de la mesure et du discernement. Interview.

Votre récente chronique, voir ci-dessous, évoquait gentiment une forme d’agacement sur ces nombreuses études, mesures de notre expérience client vécue : vous désirez qu’on ne vous demande pas votre avis, pas sur tout, ou qu’on en tienne compte ?

Alix Girod de l’Ain : En fait j’ai surtout peur, à force de donner mon avis sur tout, de ne plus en avoir… Passe encore qu’on me demande si la dame de American Express était aimable au téléphone (elle l’était), si ma blanquette commandée chez Carré de Bœuf mérite 4 ou 5 étoiles (on ne rigole pas avec la bouffe), mais trop, c’est trop. J’ai récemment eu un moment de vertige devant un questionnaire qui me demandait ce que j’avais pensé de l’EMBALLAGE de la prise USB à 2,75€ achetée sur Amazon. Franchement ? Je n’en pense rien. Plus la force. 

Un grand opérateur de téléphonie perd plus de million de clients qu’il maltraite ..quotidiennement sans que son cours de bourse ne cille ,qu’est ce que ça vous inspire ?

AGA : C’est complètement idiot. Je suis cliente chez Trusteam Finance, qui propose un fonds basé sur la satisfaction client, si je n’aime pas être harcelée, je trouve quand même que remettre le consommateur au cœur du système est la moindre des choses. Je veux rester la patronne de ma carte bleue, bon sang ! 

Le Dr Aga est nommé directeur de l’expérience client d’une grande banque, d’une enseigne de parfumerie, d’un aéroport, successivement, quelle sont vos premières actions .. correctives engagées, les quick wins, comme on dit dans le conseil ?

AGA : Le problème c’est que le Dr Aga ne donne que des conseils idiots. Elle déciderait donc sans doute de demander aux clients leur avis à chaque stade de leur expérience et en direct, histoire de fournir le meilleur service possible. Est-ce qu’ils aiment la couleur du logo ? Le tapis brosse à l’entrée ? L’ergonomie de la poignée de porte ? La dentition du vendeur ? Etc jusqu’à la sortie. De quoi rendre zinzin n’importe qui. 

HEC vient de créer avec Cap une chaire de l’expérience client digitale, et un de vos enfants vous sollicite pour payer son inscription à cette formation qui coûte  plusieurs milliers d’euros , vous lui dites ; va voir ton père /prends un job d’été en boulangerie pour la payer /ils sont trop forts ..

AGA : Vous tombez bien… ou mal ! Notre fils ainé sort tout juste de cette école. Si notre cœur de parents est gonflé d’orgueil, notre portefeuille est à plat. Après environ 50 000 € virés à Jouy en Josas en 4 ans, il est hors de question qu’on remette un seul sou dans le nourrin de HEC. 

Avez-vous été enchantée cette année, récemment, en boutique, grâce à une innovation technologique, un changement, un vendeur, pourquoi ,comment ?

AGA : Je suis assez fan des auto-caisses chez Monoprix. Dès que je n’ai plus besoin de faire la queue, ça me met de bonne humeur. Mais je ne suis pas sûre que ça soit très intéressant pour l’enseigne. Je scanne comme une nœud-noeud donc je dois mobiliser trois vendeuses pour m’aider. Et la dernière fois, j’avais oublié de récupérer la facture dans la machine, ça a sonné à la sortie et le temps de filer reprendre le ticket, je suis passée pour une grosse voleuse devant tout le quartier. Une expérience client, une vraie !


I CAN’T GET NO SATISFACTION !

Avec malice, et une certaine candeur qui ne l’empêche pas d’utiliser un style très direct, Alix Girod de l’Ain, pose une question simple : à force de nous demander notre avis sur tout, de mesurer notre satisfaction pour n’importe quoi, les marques ne finissent-elles pas par… blaser le consommateur ? Trop de questionnaires de satisfaction ne tueraient-ils pas la mesure de la satisfaction… voire la satisfaction elle-même ? Une vraie chronique « à l’ancienne » sur le consommateur-collaborateur.

Ah, le nombre de gens qui veulent notre bonheur en ce moment ! Chaque jour, on reçoit plus de mails, de textos, d’appels nous demandant si nous sommes satisfaits. De qui, de quoi ? Eh bien, de tout. De notre « expérience consommateur » sur le site X, de notre « parcours client » dans le grand magasin Y, du service après-vente du garage Z. Hier, on a voulu savoir si j’étais satisfaite de mes nouvelles cartouches d’imprimante. Et moi qui ne m’étais même pas posé la question ! J’ai répondu que j’étais folle de joie, un peu honteuse de ma passivité, alors que quelqu’un, quelque part, ne pense qu’à mon plaisir…

Il y a bien quelque chose de changé au royaume des sondages. Au départ, il y a cinq ans – une éternité – ce qu’on attendait de nous, c’était juste de donner notre avis en mode d’accord/pas d’accord. Sauf que, à force d’exprimer notre opinion sur tout, on a fini par ne plus en avoir du tout : ce que je pense de l’ouverture de la parfumerie Sibelle de Mézières-sur-Seine le dimanche ? Eh bien, je crois que je m’en cogne. Puis on s’est mis à nous demander d’attribuer des notes (comme dirait mon amie Olivia de Lamberterie, il n’y a guère que les élèves qu’on ne note plus jamais dans ce pays). Désormais, on tape droit au cœur : c’est de notre bonheur qu’il est question ! Grâce à tous ces objets, tous ces services, il serait donc à portée de main, inratable ? C’est vertigineux ! S’il y a bien un domaine qui relève de l’intime, de l’impalpable, de l’indicible, c’est celui-là. Si le plaisir devient obligatoire, ira-t-on bientôt jusqu’à demander à nos conjoints : « Recommanderiez-vous votre femme à un ami ? ». Et vous imaginez si, une nuit prochaine, une petite voix s’élevait dans le noir « Dans le cadre de notre enquête de satisfaction conjugale, votre prestation sexuelle de ce soir pourrait être enregistrée » le plaisir, c’est comme le bonheur, complexe, vouloir les rendre obligatoires, c’est absurde. Revendiquons notre droit à être satisfait de ne pas être satisfait. Ou encore à ne pas être satisfait d’être satisfait…

No Satisfaction par Alix Girod De L’Ain, éditorialiste. Publié le 29/01/2016 dans Elle magazine.

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